Franchises médicales : coupables d’être malades

Mettre sa vie en danger pour sauvegarder le droit de se soigner... Il aura donc fallu en arriver là. Début janvier, un malade du Sida annonçait sa décision d’arrêter ses soins pour protester contre les franchises médicales.


B.P. Chevalier voulait ainsi illustrer les dangers d’une mesure qui risque de conduite nombre de malades, dans le silence, hors micros et caméras, à la même extrémité. Pour arrêter cette machine infernale, il ne voyait plus d’autre moyen que le recours à cette forme d’action que l’on ne peut, avec lui, que déconseiller d’imiter. Choix personnel, dramatique mais hélas prévisible.

Rien, ni les critiques de la plupart des acteurs de la santé, ni l’opposition de sept Français sur dix selon les sondages, n’avait pu empêcher la majorité UMP d’adopter à l’Assemblée cette mesure de « rupture » sarkozyste d’une portée considérable. Comme le rappellent dans une lettre au Chef de l’Etat six associations de malades chroniques, il s’agit tout simplement de briser « l’un des fondements de notre civilisation française : la solidarité de tous face à l’attaque la plus dure, celle de la maladie ». Les malades doivent payer parce qu’ils sont coupables d’être malades, responsables du déficit de la Sécu... Oh, presque rien, 4 euros par mois en moyenne, 50 euros par an au maximum, ose répéter la ministre de la Santé. Mais, s’ajoutant à un reste à charge annuel qui, de forfaits en déremboursements divers, atteint déjà 500 euros en moyenne pour des millions de patients, ce presque rien risque tout bonnement de multiplier les renoncements aux soins. Et surtout, il renverse la Sécu en institutionnalisant une inégalité devant la maladie en fonction des revenus de chacun.

L’action de BP Chevalier a, semble-t-il, fait l’effet d’un électrochoc. Les témoignages de soutien affluent. Les compteurs des pétitions anti-franchises explosent. Les grands médias rouvrent leurs antennes au sujet. Et le président de la République doit sortir de son silence en se fendant d’une lettre où il réitère ses faux arguments. Et où, signe de faiblesse, il énonce une contrevérité en prétendant que les franchises seraient remboursées par les mutuelles alors que la loi prévoit justement le contraire. On remarque aussi que les députés UMP, sans doute en butte au mécontentement de leurs électeurs, ne se bousculent pas au portillon pour défendre le dossier.

carte_bleue.jpg

La bataille contre cette régression sociale dramatique est loin d’être perdue. Aux politiques de prendre le relais. Il est temps de réparer l’erreur. Derrière les franchises est posée la question du financement de la santé : la France a-t-elle ou non les moyens de faire face, de façon solidaire, aux besoins croissants, aux coûts toujours plus élevés induits par les progrès de la médecine ? Sarkozy a prévu d’ouvrir un débat national sur ce sujet crucial dans les prochains mois. Ce pourrait être l’occasion de suspendre – au moins – les franchises. Et d’explorer d’autres pistes, plus justes, plus efficaces, plus conformes à une authentique « politique de civilisation ». Les idées ne manquent pas.

A titre d’exemple, rappelons qu’une taxe sur les stock-options rapporterait à elle seule quatre fois plus que cet impôt sur la maladie. Encore faut-il avoir le courage politique de s’en prendre aux puissants de la finance.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :